
Par Manon Renault.
Le débat sur les « origines » de la mode en tant que phénomène social est vaste et mérite plusieurs angles d’interrogations. Le lien entre l’existence d’un changement vestimentaire régulé par des structures industrielles et sociales, s’articule communément avec l’émergence du concept social et esthétique de « modernité » européenne du XVIIIe- soit l’idée de sociétés caractérisées par une économie capitaliste, l’urbanisation et l’industrialisation.
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Si les anthologies de références en sociologie de la mode française n’ignorent pas ces limites ( Cf-Sociologie de la mode de Godart et Monneyron), il en demeure une fixation du début de la mode comme phénomène social, au moment où elle opère la matérialisation de la modernité – arène des luttes de distinctions entre bourgeoisie et aristocratie.
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En creux, cette édification des origines de la mode participe à l’invisibilisation de systèmes de mode alternatifs ne reposant pas sur l’ébauche de la modernité européenne. Au passage, cette mythique origine intériorise l’opposition colonialiste modernité vs tradition.
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Récemment des auteurs comme Monica Titton (à travers son ouvrage Fashion an Postcolonial critique co-écrit avec Elke Gaugele) Wessie Ling , Simona Serge Reinach ou encore Angela Jansen à l’origine du mouvement « Decolonizing Fashion » pointent les limites de cette fixation « des origines ».
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Ces contributions mettent en lumière des cycles de mode fondés sur des systèmes aux durées différentes, parfois plus lents dans des système sociaux situés. Dans un contexte où l’industrie de la mode européenne tend à réviser les temporalités de ses cycles, il paraît opportun de disposer d’une compréhension de ces systèmes.
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Ainsi, retracer les formes d’échanges, de voyages des vêtements appelle à une construction de l’histoire sociale de la mode faite d’enchevêtrements, de discontinuités superposées permettant de découvrir des types de durées différentes – et des s’en inspirer plutôt que d’imposer à ces pays ( comme l’Afrique du Sud, le Japon, la Chine..) un rythme saisonnal que nous avons désavoué.
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Source: Moroccan fashion designer Noureddine Amir in the 2010s