
Par Manon Renault.
Agnès Rocomora : un pont vers Bourdieu
Plus que des défilés aux décors rocambolesques, plus que des créateurs qui dévoilent collages de matières et couleurs, la fashion week possède une fonction de régulation, de validation ou réfutation des positions occupées par les différents membres de l’industrie de la mode. Elle est la cérémonie essentielle de professionnels qui s’y valident et jugent.
Son annulation sonne telle une terrible sanction à l’égard des sociologues en soif d’un spectacle unique et des plus glamour durant lequel se promulgue la mélodie d’une hiérarchie interne. En effet : si les catwalks inspirent un certain onirisme, ils sont également le terrain des sociologues Agnès Rocamora et Joanne Entwistle qui publièrent en 2006 l’article « The Field of Fashion Materialized : A study of London Fashion Week. » Dans ce papier, Agnès Rocamora initie une nouvelle lecture des outils légués par le sociologue Pierre Bourdieu tel que le capital et l’habitus.
Si ce dernier s’était penché sur l’étude du milieu littéraire, Rocamora reprend son matériel théorique pour dévoiler la manière dont s’exprime la structuration interne du monde de la mode. Au fil des observations de terrain, Rocamora et Entwistle soulignent la spécificité du monde de la mode- soit une capacité à transcrire de manière matérielle dans l’espace physique et à travers les corps son ordre hiérarchique. Le portes d’entrées, les fils de défilés, les lettres inscrites aux coins des invitations et les mimiques corporelles sont autant de signes qui différencient les wannabe, des têtes instituées.