
Par Manon Renault.
Un motif vichy rose tapisse ses cabas, les vitrines sont saturées de vêtements bigarrés, et des bacs à 1 balle dégoulinent le long des trottoirs du Boulevard Rochechuart : vous êtes devant le dernier des magasins Tati, au cœur de Barbès, espace urbain d’un spectacle interclasses et pluri-ethniques de la consommation. En décembre dernier, la chaîne emblématique « de la mode à petit prix » pliait rideau, emportant avec elle le théâtre d’une mode parisienne alternative qui participe à la géographie marchande de Paris. Seul le magasin dont les lumières brillent jusqu’au métro Porte de la Chapelle fait office de réminiscence.
Dans ce lieu populaire, des pratiques d’appropriations et de re-significations de la « mode » se tenaient quotidiennement, au point où le cabas à carreaux peupla les podiums de marques de luxe – notamment Louis Vuitton par Marc Jacobs en 2007, officialisant une place symbolique à Tati dans l’histoire de la mode. Rappelons aussi que dès 1992 Azzedine Alaïa proposait une collection avec la chaîne de magasin.
« Le dynamisme et la renommée de la mode parisienne peuvent également se saisir à partir d’un autre type de circuit de création, de vente et d’espaces marchands, ainsi qu’à partir d’une autre géographie de la ville, celle des quartiers populaires, voire des quartiers considérés comme ethniques », écrit l’anthropologue Emmanuelle Lallement dans ses travaux sur le quartier Barbès qu’elle compare au Triangle d’or. Lallement évoque un lieu de mixité et un espace de l’anonymat, antithèse des espaces du luxe construits comme de lieux de distinctions. L’exemple invite à désarticuler le concept de mode de celui du luxe ouvrant vers une nouvelle connaissance appuyée par la pratique ethnographique.

Alaïa, marque de prêt-à-porter, Printemps été 1991 Palais Galliera