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Actualité 19 août 2021

[RETOUR DE DÉFILÉS]

Dior Haute couture pour le printemps/ été 2011. L’hommage de Galliano à Gruau

Par Emilie Belkessam.

Lorsque Christian Dior décide de fonder sa maison de couture, la France sort tout juste de la guerre, la population est encore soumise au rationnement et New-York a ravi à Paris le titre de capitale de la mode, son influence avec. En France, l’heure est à la reconquête d’un idéal national, entaché alors par l’occupation allemande et les multiples défaites et capitulations de l’armée. Paris, centre névralgique de la mode, va reconquérir sa place de puissance culturelle grâce à une nouvelle génération de cinéastes (la Nouvelle Vague1), d’artistes peintres (les Avant- Gardes2) mais également de couturiers, parmi lesquels on compte bien sûr Dior mais aussi Balmain et Chanel. L’Etat français contribue largement au renouveau de nombreuses maisons de couture de 1952 à 1959, bien qu’économiquement la France ne soit pas encore remise sur pieds. Christian Dior va donc en profiter pour ouvrir des boutiques de prêt-à-porter à New York et à Londres, dans une stratégie de conquête internationale. La France avait toujours été connue pour son industrie du luxe, il s’agissait donc de renouer avec son passé.C’est dans un pays en reconstruction que Dior va imposer un nouveau style et créer l’événement dès sa première présentation couture. En s’associant au dessinateur et affichiste René Gruau, il diffuse et imprime sa marque dans l’imaginaire français, notamment par la création du parfum Diorella. Les deux compères se sont connus au Figaro en 1930, lorsqu’ils étaient illustrateurs.

Christian Dior établit le style dit New-look, définit ainsi par une journaliste du Harpers Bazaar américain, Carmel Snow3, ce qui marquera le retour du rayonnement international du savoir-faire français. Il rompt avec l’idéal de la femme coco Chanel, qu’il qualifie de mode pratique, pas assez esthétique à son goût. Il peint une silhouette à nouveau corsetée, féminine et fatale, où les courbes sont désormais de rigueur. Son idéal était celui :« de femmes-fleurs, aux épaules douces, aux bustes épanouis, aux tailles fines comme des lianes et aux jupes larges comme des corolles. »Dans les illustrations de publicité conçues pour vanter les mérites de la Maison Dior, la femme dessinée par René Gruau supplante le vêtement, le flacon, et en exalte d’autant plus l’esprit malicieux. Ce n’est alors plus du matériel que l’on vend, mais une idée, un imaginaire. Et même lorsque la photographie se développe, éclipsant avec elle le dessin, Christian Dior reste fidèle aux illustrations de Gruau. Ainsi, les dessins de la fameuse veste Bar ou des premières lignes de cosmétiques participent toujours d’un imaginaire rêvé, d’une femme qui va bientôt accéder à un rang social plus égalitaire d’avec celui de l’homme, et cela, sans nier sa féminité, comme on a pu le lire dans le Deuxième sexe5 de Simone de Beauvoir, où il s’agissait alors pour la femme de se faire homme pour devenir son égal, niant tout l’aspect essentiel du féminin.

Cette femme, longtemps sous la tutelle de l’homme, mari ou père, ne possédant pas de compte en banque et qui n’a obtenu le droit de vote que trois ans avant, mais enfin, qui se prend à rêver de liberté. Sa silhouette, sa toilette, son attitude, sont celles d’un féminin assumé, ne demandant qu’à se libérer du carcan du foyer. Elle existe, et compte bien le démontrer, par des attitudes d’un sensualisme qui n’est plus réprimé, mais manifeste. C’est en cela que cette association entre ces deux hommes aura tant marqué, par la modernité qu’ils ont su sublimer, celle d’une femme qui ne devient pas homme pour transcender sa condition, comme on peut le lire chez Simone de Beauvoir6 ou le voir dans les silhouettes presque androgynes de Chanel. L’aventure n’aura duré que dix ans, Christian Dior ayant perdu la vie au cours d’une crise cardiaque survenue en Italie. Pour l’heure, c’est assisté de Pierre Cardin que Christian Dior présente le 12 février 1947 dans un salon situé avenue Montaigne, sa première collection, composée de quatre-vingt-dix modèles. C’est grâce au soutien du financier Marcel Boussac7 qu’il dévoile les lignes Corolle et 8, dont l’éponyme tailleur Bar composé d’une jupe longueur mi mollet et d’une veste à basque. Veste qualifiée de Bar car alors les femmes changeaient de vêtements plusieurs fois par jours. Ces créations étaient alors destinées à être portée en fin de journée pour boire des cocktails au bar.

Dans la vidéo de présentation des archives des Actualités françaises, outre le fait que l’on puisse se réjouir de découvrir ce que représentait un défilé à l’époque, et se plaire à le comparer aux shows plus récents de John Galliano, on découvre une présentation privée, mais télévisée, ce qui s’accorde au souhait de Dior d’ancrer son empreinte dans l’imaginaire de la mode à la française. Séduire oui, mais au-delà de la sphère bourgeoise. On ne vend pas que des vêtements, mais une façon de considérer le féminin. Et aussi des parfums. Le tout est parfaitement bien orchestré, dévoilant les pièces de la ligne au fur et à mesure. Tout d’abord par le biais d’un plan en plongée au travers d’une rampe d’escalier à la Guimard8, cadrant sur les chevilles des jeunes mannequins alors dénudées de quarante centimètres du sol, insistant ainsi sur la sensualité de la femme Dior, et le léger parfum de scandale qui s’en dégage, pour une longueur de jupe jugée plutôt indécente pour l’époque. Toujours dans la vidéo des archives de l’Actualité française, on assiste alors à la visite de quatre mondaines chez une amie, au cours d’un après-midi, se préparant à une soirée de la haute société – ce qui permet soit dit en passant de découvrir plusieurs tenues différentes et donc, plusieurs modèles. Cette brève annonce se conclut comme elle a commencé, par la montée et la descente de l’escalier correspondant à l’entrée et à la sortie de scène.

Ce New Look, nom de la silhouette de parisiennes mondaines et élégantes, est caractérisé par une taille fine très marquée, une poitrine ronde et haute, des épaules douces et étroites, une silhouette de femme fatale qui tranche avec le look à la garçonne institué par Chanel quelques années auparavant. Style qui s’était construit au cours des années 1930/ 40, marquées par le rationnement et l’austérité, où les jupes étaient alors étroites, les corsets disparus, la poitrine, signe de l’abondance, cachés sous le tissus, peu généreuse voire plate, la silhouette longue et les épaules carrées. Dior écrit dans ses mémoires : « Nous sortions d’une époque démunie, parcimonieuse, obsédée par les tickets de rationnement. Je voulais que mes robes fussent « construites », moulées sur les courbes du corps féminin dont elles styliseraient le galbe. J’accusais la taille, le volume des hanches, je mis en valeur la poitrine. Pour donner plus de tenue à mes modèles, je fis doubler presque tous les tissus de percale ou de taffetas, renouant ainsi avec une tradition depuis longtemps abandonnée ».9 Ce qui a pu scandaliser d‘ailleurs, aux vues de la proportion de tissu utilisée pour chaque pièce et du gâchis que cela représentait pour certains, alors que le rationnement était encore en vigueur en France. Lors de séances photos rue Lepic à Paris, certaines mannequins devinrent la cible d’insulte et même d’agressions par des parisiennes scandalisées de ces métrages10. Néanmoins, après une énième Guerre mondiale, où dominait l’uniforme, Dior imagine un retour aux rondeurs, au luxe et à l’opulence, son New-look et sa femme- fleur vont s’imposer. La silhouette Dior, ce sont donc des robes bustiers, des volumes larges, une taille très marquée, beaucoup de tissu, (quarante mètres de circonférence pour le modèle phare Diorama) d’épaisseur, de féminité, de couleurs franches et affirmées. Silhouette que l’on retrouve chez Dior par Galliano pour le printemps été 2011 et qui est d’ailleurs perpétuellement réinterprétée par les couturiers au service de la Maison : Marc Bohan en 1987, John Galliano en 2009, Bill Gaytten en 2011 après le départ de Galliano, ou plus récemment Raf Simons en 2012.

L’idée est pour Dior de mettre en valeur les parties rondes du corps féminin (épaule, poitrine, hanche). Exaltant le savoir-vivre à la française, on invente par la même occasion le détail-couture (pinces, incrustations, drapés, nœuds, revers…), sur des robes à la construction rigoureuse, architecturale, nécessitant un certain port de tête. L’allure constitue alors le je ne sais quoi qui imprègne les esprits d’une sensation impérissable. René Gruau a, selon John Galliano, capturé le style et l’esprit Dior, tout en mouvements, avec la représentation d’une Parisienne chic, servant d’étendard au New-Look, aux couleurs qui définiront la femme fatale par excellence : le rouge, le noir et le blanc. « Cette collection a été inspirée par la merveilleuse et longue complicité entre Christian Dior et l’illustrateur René Gruau. Dior lui avait donné carte blanche pour interpréter son travail, sa ligne et cette silhouette qui l’aida à définir le New-Look. J’ai fouillé dans les archives de René, tant j’aime la qualité de ses illustrations et sa manière de détourer ses personnages. Le sujet semble jaillir de la page. Quand vous avez la chance de regarder ses dessins de près, vous voyez avec quelle complexité les couleurs sont appliquées. Parfois, juste pour réaliser un noir, il faut peut-être cinq couleurs. L’ensemble est un hymne à la maîtrise du trait, à la complexité architecturale, à cette quête de beauté chère à l’illustrateur et au couturier. »11

Codes que Galliano a su réinventer à la fois avec audace et respect de l’atmosphère fin de guerre. Il présente début 2011 une collection haute couture — sa dernière — en hommage aux effets ombrés, contrastés et couleurs en clair-obscur, au trait noir et épais qui cerne la silhouette des débuts de la Maison, reprise et diffusée par les illustrations de Gruau. Comme toujours, le show Dior par Galliano a quelque chose de théâtral, à la fois dramatique et très narratif. Le couturier anglo-saxon rend hommage à l’illustrateur René Gruau, dont les dessins aux traits précis et spontanés, sont ceux qui ont le plus souvent illustré le courant New Look emblématique de la Maison Dior. Mais puisqu’il s’agit d’un défilé Haute Couture, les références à cette silhouette marquée à la taille par une veste cintrée et une jupe corolle, sont traitées de manière hyperbolique. On accentue les volumes, les attitudes, les épaisseurs de tissus, les couleurs. Ainsi, pour l’été 2011, Galliano a misé sur la couleur, étirée sur le vêtement à la manière d’une gouache sur une feuille de papier. On retrouve donc des dégradés de rouge ou encore de violine à la verticale, et à l’horizontale, sur des volumes aux arrondis généreux, aux tissus abondants et fort bien maitrisés. La jupe se porte sous le genou, à la manière des femmes des années 1940. Et lorsqu’elle arbore un volume conséquent, sur certaines silhouettes, elle a quelque chose d’à la fois rigide et léger. Un travail aérien consolidé par le choix des matières (tulles, soies). Les robes aux couleurs franches se parent d’un halo de tulle noir, comme si le contour avait été dessiné au fusain par René Gruau lui-même. En version haute couture, la silhouette New-Look est marquée à la taille d’une ceinture en croco, se pare de couleurs intenses rappelant les imprimés façon trait de crayon noir, illuminé de paillettes donnant du relief et du volume aux robes. Les visages des mannequins sont redessinés à la manière des illustrations de Gruau : lèvres laqués de rouge, sourcils redessinés, pointilleux, long et opiniâtres, chignons et teint d’albâtre.Les superpositions de voiles et de tulles et les fondus de couleurs, dessinent une silhouette aux contours vaporeux, comme une esquisse. Le New-Look revit jusque dans l’attitude des mannequins, qui décomposent leur démarche et poses comme des femmes d’opéras, une main sur l’épaule et le visage en biais, expressif, devant les photographes. Les silhouettes se terminent d’une coiffe plume en forme de trait de crayon, signées du chapelier anglais Stephen Jones.

Un hommage exceptionnel à l’essence de la maison Dior, qui va plus loin que les hautes sphères de la couture, et fait écho à une tendance qui gagne de plus en plus de terrain: celle du retour à la féminité assumée, suggérée plus qu’exhibée, notamment par le biais du dessin de la taille féminine à la fois fine et marquée, du travail des tissus aérien mais abondant, une silhouette furtive que l’on a pu découvrir notamment dans la série à succès Mad Men. Un retour vers le Féminin.

« En apparence, le travail de Gruau semble accompli sans effort, mais en réalité, il est fait avec détermination et autorité. Pour moi, c’est une bible ! Vous savez que j’ai failli devenir illustrateur… Là où se trouve la lumière, j’utilise par exemple un rouge, et là où s’inscrit l’ombre, des superpositions de tulle dessinent les passages. L’ensemble recrée le style de l’illustration de René Gruau. Lors du show, on a pu voir des ombres portées rouges comme dans certains de ses dessins. Les broderies évoquent ces touches au pinceau avec lesquelles il pouvait achever, d’une façon presque ébauchée, le dessin d’une jupe. Elles font écho aux codes de la Maison mais sont totalement contemporaines, parce que, en évoquant ce rythme du trait propre à René Gruau, elles illustrent une nouvelle façon de les travailler. »12

 

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Notes de bas de page

1 https://www.persee.fr/doc/1895_0769-0959_2000_num_30_1_1478?q=nouvelle+vague

2 Serge Fauchereau, Avant-gardes du xxe siècle, arts et littérature, 1905-1930, Paris, Flammarion, 2016

3 The World of Carmel Snow, V&A Fashion Perspectives. V&A publishing, 2017.

4 Christian Dior pour les Actualités françaises, journal télévisé, 03 septembre 1953. Ina.

5 « On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; cest lensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat quon qualifie de féminin. Seule la médiation dautrui peut constituer un individu comme un Autre. » Le Deuxième sexe, p. 13 ; Simone de Beauvoir. Folio essais, 1986. De Beauvoir reprend à son compte une analyse du féminin quelque peu marxiste, comme résultant de l’asservissement et des rapports de force que l’on observe déjà dans les rapports de domination et d’exploitation entre capitalisme et classe ouvrière (ici, patriarcat et femmes). On pourra lui reprocher plus tard de nier l’essence même du féminin, du biologique, et de vouloir faire de la femme un homme comme les autres.

6 L’idée selon laquelle, la femme devrait devenir un homme comme les autres afin de se libérer de sa condition et accéder à l’égalité, apparaît essentialiste et nie quelque peu le biologique féminin ; en cela, elle en oublie le droit à la différence. De plus, nier ce biologique n’apparaît pas aller dans le sens d’un projet existentialiste. Pour aller plus loin, voir J. Kristeva, Beauvoir présente, Paris, Fayard, 2016, p. 7.

7 Benoît Collombat et David Servenay, Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, La Découverte, Paris, 2009, page 41.

8 Hervé Guimard, architecte français, à l’origine du style parisien art déco, qui orne façades de la ville, bouches de métro et intérieurs.

9 Christian Dior & moi, Christian Dior. Vuibert, 2011.

10 https://balises.bpi.fr/la-haute-couture-selon-christian-dior/

11 John Galliano, en backstage du défilé Dior haute couture pour le printemps/ été 2011.

12 Ibid.

 

Photographies Dior Haute couture pour le printemps/ été 2011 copyright Imaxtree Illustrations Dior par René Gruau copyright http://www.renegruau.com/ officiel Vidéo des Actualités françaises copyright Ina

 

 


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