Le musée Marmottan Monet présente du 8 mars au 18 juin 2023, l’exposition « Néo-Romantiques, Un moment oublié de l’art moderne 1926-1972 ». Plus d’une centaine d’œuvres, issues de collections privées et publiques sont réunies pour faire (re)découvrir l’un des premiers mouvements post-modernes fondé sur la remise en cause de l’abstraction et sur le retour à la figure. Sous le commissariat de Patrick Mauriès, l’exposition met à l’honneur les artistes ayant participé à ce courant, tels que le français Christian Bérard (1902-1949), les russes Pavel Tchelitchew (1898-1957), Eugène (1899-1972) et Léonide Berman (1898-1976) et le hollandais Kristians Tonny (1907-1977). D’abord réunis à Paris, dans les années 1920, ces derniers vont participer à la scène artistique américaine, anglaise et italienne créant des ponts entre Picasso, le surréalisme, les figuratifs du XXe siècle et les arts vivants pour lesquels ils créèrent des spectacles mémorables.
En février 1926, une exposition Galerie Druet à Paris fut l’événement artistique et mondain de la saison. Elle présentait un groupe de jeunes peintres qui prenaient acte de l’épuisement de l’abstraction moderniste, et proposaient un retour vers une nouvelle forme de figuration. On peut y voir le premier mouvement post moderne en quelque sorte de l’histoire. Il s’agissait des français Christian Bérard (1902-1949) et Thérèse Debains (1897-1975), des russes Pavel Tchelitchew (1898-1957), Eugène (1899-1972) et Léonide Berman (1898-1976), du hollandais Kristians Tonny (1907-1977). Le critique Waldemar George, qui prit immédiatement conscience du sens que revêtait cette exposition baptisa les peintres ainsi rassemblés du nom de « néo-romantiques » ou « néo-humanistes ».
James Thrall Soby, important collectionneur et figure de l’art moderne aux USA, publia, dix ans plus tard, le seul livre, au demeurant fondamental, qui leur ait jusqu’à présent été consacré : After Picasso. Titre significatif car il met au centre de leur démarche à la fois la figure et l’influence formidables de Picasso (en particulier dans ses périodes bleue et rose) et la volonté (ou l’impossibilité) de le dépasser, de dégager de nouvelles voies. Il serait de ce point de vue plus judicieux de voir en eux des « néo-maniéristes », comme le proposa André Chastel, dressant le parallèle avec la problématique des peintres qui durent assumer l’héritage écrasant de Léonard et Michel-Ange.
Quoique liés d’amitié, ces divers artistes ne furent pas réunis dans l’unité d’un mouvement, et suivirent ensuite, en particulier à cause de la guerre, des trajets divers. Si Bérard resta à Paris, où il devait mourir prématurément, les frères Berman et Tchelitchew partirent pour les Etats-Unis où ils restèrent de longues années avant de revenir en Europe, à Rome singulièrement, où Tchelitchew et Eugene Berman finirent leur carrière.
Conséquence de ce cosmopolitisme assumé, l’histoire du « néo romantisme » implique des figures aussi diverses que celles de Gertrude Stein (qui en parle dans l’Autobiographie d’Alice B Toklas), Alfred Barr, Lincoln Kirstein, George Balanchine, le musicien Virgil Thompson, Chick Austin du Wadsworth Atheneum, George Platt Lynes, Joseph Cornell et le galeriste Julian Levy aux Etats-Unis ; Edward James, Cyril Connolly, Edith Sitwell, Cecil Beaton, Peter Watson, mais aussi deux débutants –Lucian Freud et Francis Bacon — en Angleterre.
Berman et Tchelitchew furent aussi des figures importantes de la scène artistique italienne dans les années soixante, retrouvant de Chirico, qui avait été une figure majeure de leurs débuts, et son frère Alberto Savinio.
Enfin, figures de la mondanité de l’époque, ces peintres furent liés à des figures telles que celles de Christian Dior (qui organisa leur seconde exposition), Marie Laure de Noailles, Marie Blanche de Polignac (fille de Jeanne Lanvin), Elsa Schiaparelli ou Helena Rubinstein (dont Tchelitchew décora l’appartement de l’ile Saint-Louis).
Marginal en apparence seulement, ce chapitre méconnu de l’histoire de l’art moderne fait non seulement le lien entre Picasso, le surréalisme et les grands figuratifs du XXe siècle (auxquels ajouter Balthus) — mais aussi entre les différentes formes d’art : peinture, opéra et ballet, auxquelles ils s’intéressèrent et pour lesquels ils créèrent des spectacles mémorables.
Commissariat : Patrick Mauriès, écrivain et critique culturel
Emplacement
Musée Marmottan Monet, 2 RUE LOUIS-BOILLY, ParisDirections
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