Skip to main content

Par Sandrine Tinturier.
.
Les images produites par les premiers photographes amateurs, à la fin du 19ème siècle, révèlent des aspects jusque-là invisibles de la vie quotidienne en offrant les prémisses d’une plongée dans l’intime.
.
Dans les premiers temps, les corps restent figés sur le modèle des photos de studio mais bientôt les compositions se dotent d’une fantaisie nouvelle. L’apparence n’est plus régie par des normes précises et rigoureuses, le décor se choisit en extérieur, le costume est celui de tous les jours. L’activité photographique, apanage des classes sociales les plus favorisées, devient un terrain de jeu et d’expérimentation. Elle met en scène une autre sociabilité qui s’étend au-delà de la famille.
.
Les quatre jeunes femmes et les deux hommes de ce groupe semblent avoir sensiblement le même âge. Les deux messieurs paraissent en visite. Deux des femmes, vêtues et coiffées de même, sont manifestement soeurs et ne sont probablement pas encore mariées.
.
Si les attitudes des membres de ce groupe reprennent plus ou moins celles en vigueur dans les studios photo, le dispositif mis en place semble se jouer des conventions du portrait. Il ne s’agit plus de solenniser et d’éterniser l’individu représenté, mais de saisir un moment de la vie où l’on est rassemblé. Tout dans cette composition est agencé avec minutie, pourtant, le rendu apparaît inattendu, presque incongru.
.
L’image est étrange, légèrement décalée sans que l’on ne parvienne à savoir pourquoi. Sa couleur, sa netteté, l’altération de son procédé technique d’impression face au temps créent une distance. La disparition des détails dans les zones claires efface le visage de la jeune femme du premier plan jusqu’à la rendre fantomatique. Son aspect spectral, sa ressemblance frappante avec sa soeur assise à l’opposé pourraient nous laisser croire à un trucage illusionniste en vogue dans ces années de découverte du jeu avec l’image photographique.