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Par Sandrine Tinturier.

 

Il est des photos qui résistent aux mots, à l’analyse. Nimbées d’un « je ne sais quoi » à la fois captivant et prodigieux, elles se rapprochent de l’apparition. On se questionne, on hésite quant à la genèse de ces images, fruit d’un heureux hasard d’amateur ou produit de l’oeil aigu d’un photographe capable de saisir en une fraction de seconde ce qu’un peintre aurait mis des jours à composer ?
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Entre le flou du premier plan et le paysage brouillé du dernier, le reflet précis d’une jeune femme émerge d’un plan d’eau qui parait l’avoir contaminé de son indolence. Sans vitalité, sans passion, elle expose sa frimousse mélancolique à la Carson McCullers et son corps nonchalant à l’objectif. Son regard éteint vient pourtant se planter dans l’oeil unique du photographe, avec une certaine force, de la hardiesse peut-être. Sa silhouette, plus apathique qu’alanguie, n’est pas à ranger du côté de l’élégance, d’une élégance tenant du bon goût, de la distinction ou d’une allure codifiée. Elle n’a pas appris à se tenir ainsi dans un manuel de bonnes manières, elle ne fait pas d’efforts, elle ne se donne pas la peine. Pourtant, sa mine blasée, sa pose qui dessine de si jolis méandres sur son manteau clair, sonnent justes. Elles offrent même, par leur désinvolture, une image à cette chose indéfinissable qu’est le chic.
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Une croix blanche tracée sur la photo s’évertue vainement à ramener l’attention du regardeur sur l’autre femme, cette autre sur laquelle le photographe n’a pas réglé sa mise au point, celle qui ne le captive pas du regard. Tenant sagement son chapeau entre ses mains, elle tourne le dos à la scène, ignorante de l’intensité de ce qui se joue derrière elle.