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Par Waleria Dorogova.

Quand Jeanne d’Etreillis (l’une des sœurs Boué) ouvre une succursale permanente de la maison Boué Sœurs à Manhattan en avril 1915, les clientes peuvent commander la collection originale de Paris à New York. A cette époque, il n’y avait alors aucune collection spécialement créée pour les clientes américaines. Jeanne expliquait cela par le fait que les Américaines “ne manquaient pas de goût”, mais qu’elles choisissaient “instinctivement le même type de robe artistique simple que la Française de la même origine sociale choisirait en France”.

Il est vrai également que les graves pénuries de tissus rendaient simplement impossible la création d’une plus grande variété de modèles à destination de clientes différentes. Outre les pénuries particulières de laine et généralement le manque de tissus pour produire des collections complètes, l’occupation allemande du nord-est de la France constituait un vrai danger. La zone occupée était non seulement dangereusement proche du front, mais elle rassemblait un ensemble très important d’industries textiles, exploitées par les occupants pour sa production industrielle. Avant la guerre, la région constituait un centre vital de production textile et approvisionnait les maisons de couture parisiennes en coton, lin, dentelles et broderies.

Entre 1914 et 1918, l’emprise allemande sur cette région a des conséquences catastrophiques pour une maison telle que Boué Sœurs, qui était si connue pour sa délicate batiste et son organdi de coton ou de soie, le filet, et pour la broderie blanche – toutes faites à la main dans les régions rurales du nord de la France. Ce fut donc un soulagement que le département des Vosges, où étaient réalisées la plupart des broderies de Boué Sœurs, n’ait pas été occupé par les Allemands. Cependant, les travaux d’aiguille durent être laissés de côté parce que des travailleuses étaient nécessaires pour remplacer les hommes dans d’autres domaines de production.

Les collections de maison Boué en temps de guerre sont beaucoup moins nombreuses qu’avant le conflit. Elles ne manquent ni d’invention, ni de diversité, mais compte tenu de l’offre insuffisante de tissus, il n’est pas surprenant qu’en particulier en 1915, les collections Boué soient beaucoup moins riches en broderies vosgiennes qu’en broderies en perles de verre, faites à Paris. Néanmoins, la «Boué Lingerie Dress» était très demandée par les clients américains et est devenue après guerre un incontournable de la maison.

 

Affiche pour les fameuses “Boué Lingerie Dresses” dans le New York Herald, 2.4.1916

 

Broderie blanche vosgienne pour Boué Sœurs, collection privée

 

Légende image de couverture: Robes “lingerie” par Boué Sœurs, Vogue américain, 1.8.1916