Par Sandrine Tinturier.
Les années 1950 sont une période transitoire pour le pantalon au féminin. Il n’est plus le vêtement d’amazone, sulfureux et teinté d’ambiguïté qu’il était avant-guerre et n’est pas encore le héros unisexe totalement admis des garde-robes des années 1960. Le pantalon, vêtement indissociable de l’émancipation féminine, est toujours perçu comme le moyen pour la femme qui l’emprunte au vestiaire masculin de s’arroger le statut et le pouvoir de l’homme.
Sur les photographies de couples vêtus à l’identique, on peut pourtant lire une démarche moins guerrière et y voir la tentative pacifique de la femme pour se rapprocher de l’autre en lui ressemblant. Enfiler un pantalon pourrait signifier le désir de s’unir à celui que l’on aime, l’envie de retrouver chez l’autre un autre soi-même, la volonté de faire corps en arborant le même uniforme. Il n’y a pas de revendication, de froideur dans ce pantalon-là, pas de distance, mais plutôt le signe d’un pas vers l’autre, la promesse d’une durable fraternité tissant un lien supplémentaire entre l’homme et la femme. Sous l’œil de l’objectif, les amoureux aux tenues jumelles dessinent ainsi un étrange va-et-vient entre similitude et altérité, identification et différenciation.
En pantalon, la femme n’est plus vestale ni fatale. Elle semble avoir déposé les armes de la féminité exacerbée propre aux années 1950 pour descendre de son piédestal comme l’on enlève ses talons lorsque l’on rentre dans l’intimité du foyer. Mais cette transformation vestimentaire, ce refus des artifices ne veut pas dire l’abandon de la féminité. Une nouvelle image de la femme, une nouvelle séduction s’inventent avec ce style unisexe et juvénile. Le couturier du pantalon, Yves Saint Laurent, ne s’y est pas trompé lorsque qu’il affirme, au milieu des années 1960, « Un pantalon, c’est une coquetterie, un charme supplémentaire ».