Par Sandrine Tinturier.
Panier à deux anses (argot) : Homme qui se promène avec une femme à chaque bras.
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Sur les photos, le « panier à deux anses » affiche un sourire satisfait. En comparaison, le pêcheur exhibant devant l’objectif les poissons qu’il vient de prendre (autre stéréotype photographique) ne se laisse jamais aller à tant de satisfaction. Il y a quelque chose de sérieux et de posé chez l’homme mettant en scène sa pêche, une certaine distance. Le « panier à deux anses » semble, lui, ne pouvoir contenir sa fierté. Ses épaules se raidissent pour offrir un appui viril au féminin, sa poitrine de gonfle, fière, et si ses bras n’enserrent pas toujours les fruits de sa pêche, ses mains qui se croisent laissent échapper un « Eh, oui ! ».
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L’homme a beau être sur son 31, pardessus croisé, chapeau mou et noeud papillon, il donne le sentiment d’attendre que l’élégance de deux femmes à ses côtés rejaillisse sur sa personne, contamine son image. Il est au centre de la composition et des attentions, prêt à passer à la postérité sur papier photographique.
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Quand au 19ème siècle, l’homme s’installe dans la sobriété de l’habit noir, il abandonne à sa femme le soin d’assumer seule le discours sur le prestige, le rang, la fortune du ménage. Par sa tenue, son éclat, la femme se doit de devenir la parure perdue de l’homme. Esthétisée, elle est l’élément central des photographies, assurant la publicité de celui qui, à ses côtés, a fait le choix de l’austérité vestimentaire. Lorsqu’elle se dédouble pour encadrer un homme, lui offrant du même coup la position vers laquelle tous les regards convergent, elle se meut en parure aussi décorative qu’ostentatoire. Et peu importe que le « panier à anses » soit entouré par son épouse et sa fille, sa fiancée et sa soeur ou sa mère et sa cousine, on a le pressentiment qu’entouré de deux femmes, il va perdre son âme.